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Les deux sœurs, version polonaise

 

Une veuve avait deux filles. Elle adorait Hanna l'aînée et détestait Dorothée, la plus jeune, qui n'arrêtait pas de travailler.

Un jour, Dorothée se perdit alors qu'elle cueillait des fruits sauvages dans la forêt. À la tombée de la nuit, elle se mit à pleurer.

Au même instant arriva une vieille femme vêtue de noir dont les cheveux blancs touchaient le sol.

- Pourquoi pleures-tu ? s'étonna la vieille femme.

- Je ne retrouve plus le chemin de ma maison, répondit la jeune fille. Ma mère va me battre car je suis en retard.

- Viens chez moi, proposa la vieille femme. Tu seras ma servante.

Dorothée la suivit. Elles atteignirent le bord d'une rivière.

- Porte-moi sur l'autre rive, dit la vieille, sinon le courant m'entraînera.

Sans hésiter, la jeune fille la mit sur son dos et traversa la rivière. Elles arrivèrent enfin à la maison de la vieille femme où il y avait deux petits chiens et deux petits chats. Dorothée se mit aussitôt au travail. Sans prendre le temps de se reposer, elle s'occupait de la maison et des animaux, toujours souriante. Quand il était l'heure de préparer le repas, la vieille femme lui donnait un petit pois et un grain d'orge, en disant : - Prépare le dîner sans désavantager personne.

La première fois, Dorothée s'étonna : comment allait-elle nourrir deux personnes et quatre animaux avec si peu de nourriture ?

Mais elle ne dit rien et obéit. Elle jeta dans l'eau bouillante le petit pois et le grain d'orge qui se multiplièrent et remplirent la marmite tout entière.

Une année s'était écoulée quand la vieille déclara :

- Tu as été une bonne servante. Comme récompense, choisis l'un de mes coffres.

Dans la chambre de la vieille femme se trouvaient de nombreux coffres. Certains étaient en bois sculpté, incrusté de pierreries, d'autres en métal scintillant. Dorothée choisit le coffre le plus simple, espérant qu'il contenait des draps de lin et des serviettes.

La vieille femme sourit et dit :

- Tu as bien choisi. Mes animaux vont t'aider à transporter ce coffre jusque chez toi.

Elle attela les deux chiens et les deux chats, plaça le coffre sur une petite charrette, et Dorothée s'assit au sommet.

En la voyant arriver, sa mère et sa sœur se fâchèrent car elles croyaient en être bien débarrassées. Quelle ne fut pas leur surprise quand Dorothée leur raconta son aventure et qu'elle ouvrit le coffre : il contenait des pièces d'or et des pierres précieuses !

Un prince sortit alors du trésor et il s'adressa à la jeune fille :

- Veux-tu être ma femme ? Je ne veux épouser personne d'autre.

Hanna et sa mère faillirent s'étrangler de rage. Sans attendre, Hanna partit dans la forêt pour tenter sa chance. Elle ne tarda pas à rencontrer la vieille femme vêtue de noir et elle lui ordonna :

- Prenez-moi à votre service, car je veux le même trésor que ma sœur cadette.

La vieille femme approuva de la tête. Quand elles atteignirent la rivière, Hanna refusa de la porter sur son dos et elle s'esclaffa :

- Risquer de se noyer pour une vieille comme vous ? Sûrement pas !

Pendant une année, la sœur aînée resta dans la maison de la vieille, ne faisant rien, utilisant des sacs entiers de petits pois et de grains d'orge pour un seul repas, allant jusqu'à voler la nourriture destinée aux animaux...

Quand enfin, la vieille femme proposa à Hanna de choisir un coffre,  celle-ci emporta un coffre en or, incrusté de pierres précieuses.

- Tu as bien choisi, dit la vieille. Mes animaux vont t'aider à transporter le coffre jusque chez toi.

Mais quand Hanna ouvrit le coffre dans la maison de sa mère, un vieux serpent en sortit et siffla :

- Veux-tu être ma femme ? Je ne veux épouser personne d'autre.

Alors tous les lézards et les serpents des bois se jetèrent sur la mère et sa fille aînée, et ils les emportèrent au cœur de la forêt.

Quant à Dorothée, elle suivit son prince dans un lointain royaume.

Et s'ils ne sont pas morts, c'est qu'ils vivent encore !

 

Ann Rocard, Contes d'Europe, ed. Lito, 1999.

 

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